Comment mutualiser les risques santé/prévoyance au niveau de la branche?

Publié le 21 juin 2021

La mutualisation des risques repose sur une idée de partage du risque. Ainsi, les cotisations versées par les membres adhérents et membres participants servent à financer les sinistres de quelques-uns d’entre eux.

La mutualisation des risques est un principe fondamental qui s’applique quel que soit l’organisme assureur (Mutuelle, Institution de Prévoyance, Société d’assurances). Ainsi pour que ce principe fonctionne :

  • La population assurée doit être suffisamment importante pour absorber le coût des sinistres de certains de ses membres sans pour autant mettre en péril la mutualité du groupe.
  • Il faut éviter de regrouper des risques identiques susceptibles de se réaliser en même temps et au même moment car cela empêche la mutualisation de jouer son rôle d’amortisseur collectif.

La mutualisation suppose que tous les membres participant et adhérents acceptent d’être solidaires des aléas subis par quelques-uns.

Le métier d’assureur

Pour être en mesure de faire face au coût d’un sinistre, un organisme assureur se fonde sur des statistiques pour calculer la probabilité de réalisation du risque et le coût moyen d’un sinistre. Ces éléments lui permettent de déterminer le montant d’une cotisation d’équilibre.

Cette cotisation d’équilibre intègre le coût de l’indemnisation immédiate du sinistre (un remboursement de soins, le versement d’un capital décès) mais aussi la constitution des provisions nécessaires pour indemniser les conséquences de ces sinistres dans la durée (versement d’une rente d’invalidité viagère par exemple).

La réglementation impose aux organismes assureurs des règles de gestion très strictes, dites règles prudentielles, afin de garantir leur solvabilité ; c’est-à-dire pour qu’ils soient toujours en mesure de tenir leurs engagements en termes de remboursement de prestations et d’indemnisations de sinistres.

Plusieurs façons de mutualiser les risques

Il y a plusieurs façons de mutualiser le coût des remboursements d’un contrat de frais de santé ou d’un sinistre en prévoyance :

  • au niveau de tous les contrats d’un organisme assureur d’assurance (mutuelles, IP ou société d’assurances) : il en est ainsi lorsqu’une entreprise décide de souscrire le contrat collectif standard proposé par l’opérateur via son courtier par exemple.
  • au niveau du contrat de l’entreprise mais cela suppose que celle-ci emploie suffisamment de salariés et dispose des provisions nécessaires pour couvrir le risque.
  • au niveau d’une branche d’activité : lorsque les entreprises d’un secteur d’activité sont trop petites pour être couvertes par un contrat sur mesure et qu’elles souhaitent offrir de meilleurs garanties que celles proposées par le contrat standard de leur organisme assureur , elles peuvent se regrouper et négocier avec les organisations syndicales des salariés de la branche un accord. Avec cet accord, ces PME se retrouvent en position de force pour négocier avec les organismes assureurs de meilleures conditions de cotisation et de garantie pour assurer leur contrat.

Comment s'opère la mutualisation d'un accord de branche?

Jusqu'en 2013, via des clauses de désignation 

En vertu de la loi du 8 août 1994, les branches qui avaient instauré une couverture collective en prévoyance et/ou en santé pouvaient recourir à une clause de désignation afin de regrouper la gestion de leurs contrats chez un ou plusieurs organismes assureurs. Il s’agissait pour la plupart du temps, d’une Institution de prévoyance paritaire. Ces clauses pouvaient être assorties de clause de migration obligeant toutes les entreprises d’une branche à rejoindre l’organisme assureur désigné, même lorsqu’elles étaient couvertes par ailleurs.

Critiques vis-à-vis de ce qu’elles considéraient comme une atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, les sociétés d’assurance exclues de ces clauses de désignation, ont obtenu leur suppression auprès du Conseil constitutionnel dans une décision du 13 juin 2013.

Depuis 2013, via des clauses de recommandation...

Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013, la Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2014 a introduit de nouvelles modalités permettant aux partenaires sociaux signataires d’un accord de branche de recommander (et non plus désigner) un ou plusieurs organismes assureurs aux entreprises relevant de son champ d’application.

Cette procédure de recommandation est soumise à plusieurs conditions:

Elle nécessite au préalable de procéder à une mise en concurrence dans des conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats. Le décret n°2015-13 du 8 janvier 2015 vient préciser l’ensemble de ces obligations:

  • Les organismes assureurs recommandés ont de leur côté l’obligation d’accepter toutes les demandes d’adhésion émanant des entreprises relevant du champ d’application de l’accord, de leur appliquer un tarif unique et de proposer à tous les salariés des garanties identiques.
  • Le régime doit comprendre des « prestations à caractère non directement contributif présentant un « degré élevé de solidarité », conformément au décret n° 2014-1498 du 11 décembre 2014. Ces prestations sont légalement encadrées par l’article L912-1 du code de la Sécurité sociale et peuvent prendre la forme :
  •  d’une prise en charge partielle ou totale de la cotisation de certains salariés ou anciens salariés (salariés ou apprentis éligibles à une dispense d’adhésion du fait de leur CDD ou de leur contrat de travail à temps très partiel, dans le cas où leur cotisation santé représenterait plus de 10% de leurs revenus bruts) ;
  • d’actions de prévention ;
  •  de prestations d’action sociale à titre individuel ou collectif ;
  • L’accord collectif doit également prévoir d’affecter au moins 2% de la cotisation au financement de prestations de solidarité.  
  • La commission paritaire de branche détermine les orientations des actions de prévention ainsi que les règles de fonctionnement et les modalités d’attribution de ces prestations. Elle en contrôle la mise en œuvre par les organismes assureurs auprès desquels les entreprises organisent la couverture de leurs salariés.
  • En vertu d’un décret n° 2017-162 du 9 février 2017, les actions de prévention et les prestations d’actions sociales présentant un intérêt pour l’ensemble des entreprises, peuvent faire l’objet de modalités de financement et de gestion mutualisées. Ce financement peut prendre la forme d’un montant forfaitaire par salarié ou d’une fraction de la cotisation de 2% affectée à ces prestations non contributives. Ces prestations peuvent être financées par l’intermédiaire d’un fonds destiné à recevoir les prestations éligibles à cette gestion mutualisée. A charge pour l’accord de préciser les modalités de fonctionnement de ce fonds et les conditions de choix du gestionnaire chargé de son pilotage par la commission paritaire de branche. Ces dispositions s’appliquent aux accords conclus ou renouvelés à compter du 12 février 2017.

Les organismes recommandés doivent annuellement adresser au ministre en charge de la Sécurité Sociale un rapport précisant la mise en œuvre du régime, le contenu des éléments de solidarité et son équilibre, conformément au décret n° 2015-752 du 24 juin 2015. Ce rapport est envoyé deux mois au plus après l’approbation des comptes, soit au plus tard le 31 août suivant la clôture de l’exercice.

A la différence des clauses de désignation, ces clauses de recommandation ne présentent pas de caractère contraignant pour les entreprises. Les entreprises restent ainsi libres de retenir l’organisme complémentaire de leur choix, dès lors que le contrat proposé est conforme aux garanties définies le cas échéant par l’accord. Qu’elles aient ou non décidé de souscrire auprès de l’organisme assureur recommandé par la branche, toutes les entreprises doivent permettre à leurs salariés de bénéficier des garanties prévues par la branche au titre du « degré élevé de solidarité ».

La durée maximale de la clause de recommandation est de cinq ans. Pour la reconduire, une branche est tenue de procéder à une nouvelle mise en concurrence.

... ou via une labellisation/référencement

Les branches qui ne souhaitent pas mettre en place une clause de recommandation, jugée trop rigide, peuvent aussi choisir de labelliser ou référencer certains organismes assureurs.

L’objectif d’une labellisation est :

  • D’aider les entreprises à choisir leur organisme assureur face à la multitude d’offres existantes ;
  • De permettre aux entreprises d’avoir des tarifs préférentiels en choisissant les organismes labellisés ou référencés.

 

Aucune procédure légale n’encadre le processus de labellisation ou de référencement qui relève plutôt d’un accord passé entre la branche et les organismes assureurs sélectionnés.

  • Hors recommandation, les droits non contributifs susceptibles d’être proposés par le régime de branche ne sont légalement pas encadrés. Il peut s’agir de :
  •  dispositifs collectifs ou individuels d’action sociale (fonds social santé pour faire face à des situations exceptionnelles ou graves, portabilité des droits extra-légale…) ;
  • de la prise en charge à titre gratuit ou minorée de la cotisation de certains salariés ou anciens salariés ;
  • d’actions d’information, d’orientation ou de prévention des difficultés ou fragilités de certains salariés.