«L’âge de départ à la retraite à 65 ans n’est pas un totem», a de nouveau souligné, le 3 janvier 2022 sur France Info, la Première ministre Elisabeth Borne dans la perspective de la présentation, le 10 janvier 2023, de la réforme des retraites.
Dans ses derniers échanges avec les partenaires sociaux, la cheffe du gouvernement a ainsi évoqué une piste alternative lui permettant d’atteindre son objectif de rétablir «l’équilibre du système de retraite à l’horizon 2030». «La mise en place d’une mesure d’âge à 64 ans, si tant est qu’elle soit accompagnée d’une accélération de la mise en œuvre de la réforme Touraine, pour arriver plus vite aux 43 ans de cotisation» permettrait en effet «d’atteindre cet objectif», a de son côté, renchéri le ministre du Travail, Olivier Dussopt, interviewé dans Le Parisien du 5 janvier. Etant entendu que le curseur des 43 années de cotisation requise ne sera pas remis en cause. «A 1Md€ près», poursuit le ministre du Travail, les 2 scénarios permettraient «d’atteindre le même montant d’économies». Selon les dernières estimations, le gouvernement estime qu’un report de l’âge d’ouverture des droits à 65 ans dégagerait 18,8Mds€ d’économies d'ici 2030 quand celui d’un report à 64 ans couplé à une accélération du rythme d’augmentation de durée de cotisation à 43 ans ferait économiser 17,7Mds€.
Autre avantage non négligeable du point de vue du gouvernement, cette piste rejoindrait celle avancée par la majorité sénatoriale (LR) au cours de l’examen du PLFSS pour 2023. Dans une interview au JDD du 8 janvier, le président des Républicains, Eric Ciotti, préconise un report de l’âge légal à 64 ans «à l’horizon 2032 avec une étape intermédiaire à 63 ans en 2027». Autrement dit une augmentation de l’âge de départ à compter de 2024 pour la génération née en 1962, au rythme de 3 mois supplémentaire par an.
Concrètement, la génération née en 1961, qui devait être la première concernée par la réforme selon la Première ministre, doit aujourd’hui attendre 63 ans pour partir en retraite à taux plein - c’est-à-dire en disposant de la durée de cotisation requise (42 ans) - dès lors qu’elle a commencé à travailler à 21 ans, et ce quand bien même l’âge d’ouverture des droits serait décalé de 4 mois dès 2023, selon le rythme initialement envisagé par le gouvernement.
- Dans le scénario initial du gouvernement d’un report de l’âge légal à 65 ans, un salarié né en 1966 aurait dû atteindre 64 ans pour partir en 2028 (au lieu de 63 ans et 6 mois aujourd’hui pour un départ à taux plein) tandis que celui né en 1969 aurait dû rester en activité jusqu’à 65 ans (soit jusqu’en 2031) soit 18 mois de plus que dans les conditions actuelles du taux plein.
- Dans le scénario d’un report de l’âge légal à 64 ans couplé à une accélération du rythme d’augmentation de la durée de cotisation requise pour un départ à taux plein (par exemple à raison d’un trimestre par an à compter de 2024 au lieu d’un trimestre tous les 3 ans aujourd’hui), un salarié né en 1965 ayant commencé à travailler à 21 ans devra patienter jusqu’à ses 64 ans en 2027 pour bénéficier d’une retraite à taux plein (indépendamment du nouvel âge légal qui serait alors fixé à 63 ans). Ce qui le contraindrait à travailler 9 mois de plus que dans les règles actuelles.
L’enjeu de cette réforme qui, selon le ministre du Travail «renvoie aux situations personnelles et aux parcours de vie de chacun», «est aussi la répartition des efforts entre un scénario à 65 ans et un à 64 ans avec l’accélération de la réforme Touraine», a souligné le ministre du Travail. Sachant qu’un report de l’âge légal tend plutôt à avantager les catégories socio-professionnelles supérieures ayant commencé à travailler tardivement, tandis que celle intégrant des mesures visant à accroître la durée d’assurance avantagerait plutôt les catégories ayant commencé à travailler tôt. Tout dépendra donc aussi du dispositif carrières longues qui devrait être recentré sur les carrières très longues. Selon le JDD, les salariés ayant commencé à travailler entre 18 et 20 ans devraient avoir accumulé «entre 9 et 10 trimestres de cotisations» avant 21 ans, au lieu de 5 aujourd’hui, pour pouvoir continuer de partir 2 ans avant l’âge légal.
Dans tous les cas de figure, les organisations syndicales restent unanimement opposées à toutes mesures d’âge, tandis que le patronat redoute l’introduction d’un index sur l’emploi des seniors assorti d’éventuelles pénalités.