Acquisition de CP pendant un arrêt maladie : le législateur tranchera au premier trimestre 2024

Publié le 30 janvier 2024


La Première ministre, Elisabeth Borne, a indiqué, le 30 novembre 2023 devant le congrès de la CPME, que la France se mettrait en conformité avec la législation européenne «au premier trimestre 2024» s’agissant des règles d’acquisition de congés payés par les salariés en arrêt maladie. Mais «il n’y aura pas de surtransposition. Je souhaite réduire au maximum l’impact de ces décisions sur les entreprises», a déclaré la Première ministre. Le véhicule législatif utilisé pourrait être le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne présenté le 15 novembre dernier en Conseil des ministres, dont l’examen au Sénat débutera à compter du 20 décembre.

La chambre sociale de la Cour de cassation avait transmis, le 15 novembre 2023, au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur le sujet.  

La première interroge les Sages par rapport à un éventuel risque d’atteinte au droit à la santé et au repos porté les dispositions du code du travail excluent tout droit à congé payé lorsque l’arrêt de travail a une origine non professionnelle et ne permettent pas l’acquisition du droit à congé payé au-delà d’une période interrompue d’un an en cas d’arrêt de travail ayant une origine professionnelle.

La seconde QPC concerne le risque d’engendrer une rupture d’égalité entre les salariés au regard du droit à congé payé, selon l’origine professionnelle ou non de l’arrêt maladie.

De son côté, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a indiqué, le 16 novembre 2023, que ses services étaient toujours en train d’expertiser les conséquences de l’arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, lequel avait reconnu le droit à l’acquisition de congés payés pendant les périodes d’arrêt maladie (lire KPS du 18 septembre 2023). L’objectif est, selon lui, de «sécuriser au maximum la situation» pour éviter le risque de contentieux. Toutefois, le ministre imagine mal qu’il «puisse y avoir un point d’atterrissage – autrement dit une disposition législative – avant le début de l’année 2024». Le projet de loi pacte de la vie au travail, attendu courant 2024 «pourrait faire l’objet d’amendements en ce sens». Surtout, le ministre a évoqué 2 pistes législatives possibles pour atténuer les effets de l’arrêt :

  • La restriction de l’acquisition de congés payés durant les arrêts de travail aux 4 semaines de congé prévues par le droit européen.
  • L’encadrement des délais de report des congés payés acquis.

Une semaine auparavant, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait rendu, le 9 novembre 2023, un arrêt très attendu précisant les modalités d’acquisition de congés payés (CP) pendant des périodes d’arrêt maladie. La CJUE avait été saisie par le conseil des prud’hommes d’Agen dans le recours déposé par 5 salariés à l’encontre de l’établissement Keolis d’Agen. Interrogée sur l’ampleur du droit de report des congés payés non pris, la CJUE a d’abord souligné qu’il ne lui appartenait pas de «définir la durée de report applicable au droit au congé annuel payé», cette détermination incombant à l’Etat membre concerné. Dans le même temps, la CJUE relève qu’au-delà d’une certaine limite temporelle au report de droits à congés annuels, l’accumulation de ces jours de congé non pris perd son effet positif pour le travailleur en termes de repos et de récupération pour ne garder que sa qualité de détente et de loisirs.

En se basant sur la situation des salariés de Keolis, la CJUE constate que leurs demandes «ont été introduites moins de quinze mois après la fin de la période de référence concernée» et qu’«elles étaient limitées aux droits relatifs à deux périodes de référence consécutives». Un tel report «ne méconnaît pas la finalité du droit au congé annuel payé, dès lors qu’un tel congé conserve sa qualité de temps de repos pour le travailleur concerné», estime la CJUE. De plus, il «ne semble pas être de nature à exposer l’employeur au risque d’un cumul trop important de périodes d’absence du travailleur», ajoute-t-elle.

«En l’absence de disposition nationale prévoyant une limite temporelle expresse au report de droits à congé annuel payé acquis et non exercés en raison d’un arrêt de travail pour maladie de longue durée», l’article 7 de la directive 2003/88 sur le temps de travail «permet de faire droit à des demandes de congé annuel payé introduites par un travailleur moins de quinze mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à deux périodes de référence consécutives», conclut l’arrêt de la CJUE.