Le Hcaam chiffre les impacts du scénario de «Grande Sécu»

Publié le 15 novembre 2021


En vue de ses réunions des 18 et 25 novembre, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) a transmis une nouvelle version de son projet d’avis sur l’articulation entre l’assurance-maladie obligatoire (AMO) et complémentaire (AMC). Cette mouture - qui a fuité dans Les Echos du 12 novembre au grand dam des fédérations d’assureurs de complémentaire santé - évalue en particulier les effets induits du scénario dit de la «Grande Sécu».

Ce scénario repose sur le principe d’une extension du dispositif, dont bénéficient les patients atteint d’une affection de longue durée (ALD), à l’ensemble des assurés. En contrepartie de la transformation des primes aujourd’hui perçues par les organismes d’assurance en une contribution unique à l’AMO proportionnelle aux revenus, tous les tickets modérateurs, les forfaits hospitaliers et les paniers 100% Santé en optique, dentaire et audiologie auraient alors vocation à être pris en charge par le régime général, au prix d’un surcroît de dépenses de près de 19Mds€ pour la CNAM, estime le projet d'avis du HCAAM. Ce surcoût pourrait toutefois, précise-t-il, être ramené à 17,4Mds€ dans le cas où les franchises et participations forfaitaires inhérentes à la médecine de ville étaient maintenues.

Le champ d’intervention de l’AMC serait, a contrario, drastiquement réduit aux seules exigences des patients (en matière de chambre particulière à l’hôpital par exemple) et aux dépassements d’honoraires restants après la remise à plat des rémunérations des professionnels de santé. Dans cette hypothèse, 70% des assurés en individuel et 20% de ceux couverts par un contrat collectif seraient incités à se désaffilier, d’autant que les obligations de souscription des employeurs et les exonérations socio-fiscales des contrats collectifs seraient supprimées. La chute brutale du chiffre d'affaires des complémentaires qui résulterait, s’élèverait à 27Mds€ (soit 70% de leur CA actuel) dont les trois quarts proviendraient du transfert de dépenses à l’AMO (19,7Mds€) et un quart (7,3Mds€) de la désaffiliation de la moitié des assurés, indique encore ce document. Elle s’accompagnerait d’une baisse, évaluée à 5,4 Mds€, des frais de gestion, d’acquisition, d’administration et des marges,  et d’une réduction de 3,5Mds€ du rendement de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) pour les finances publiques. La disparition de 70% du chiffre d’affaires n’entraînerait, en revanche, pour l’AMO «aucune obligation juridique de reprise des contrats de travail des salariés des complémentaires», précise le projet d'avis.

Le texte s’est aussi attaché à évaluer les effets de ce scénario sur les assurés. «Si toutes les tranches d’âge seraient en moyenne bénéficiaires de la réforme, les personnes âgées le seraient plus encore», souligne-t-il. Mis à part les 20% les plus aisés qui y perdraient légèrement (de l’ordre de 70 € par an), les 80% restants y gagneraient tandis que «le solde du financement des employeurs varierait peu», estime le document.



Les trois fédérations d’assureurs complémentaire santé ont vivement réagi à la publication de ces éléments. «Cela pose la question de la partialité des chiffrages et des conclusions du HCAAM : si les chiffrages sont réalisés par la Direction de la Sécurité sociale et la DREES sans être soumis au débat des membres du HCAAM, on peut légitimement s’interroger sur le rôle joué par le ministère de la Santé pour orienter les travaux dans le sens qu’il souhaite», a déploré Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l’assurance. «Les promoteurs de l’étatisation de la protection sociale avancent à marche forcée», a de son côté déploré Eric Chenut, président de la Fédération nationale de la Mutualité française, qui s’interroge sur les conséquences sociales de ce scénario pour les complémentaires : «Cela induit-il un large plan social inéluctable et imposé par les pouvoirs publics ?». Ces propositions du HCAAM «convergent toutes vers un affaiblissement de la liberté de négociation au sein des branches et des entreprises et vers un appauvrissement du dialogue social et du contrat collectif», avaient de leur côté, déploré, dès le 21 octobre, les administrateurs paritaires du Centre technique des institutions de prévoyance (Ctip) en appelant à « sortir du débat visant à faire disparaître la pluralité des acteurs et le contrat collectif, outil efficace de mutualisation et d’innovation, vecteur d’équité, de cohésion et de solidarité.»