La Cour des comptes a présenté, le 28 juillet 2022, son rapport d’évaluation de la réforme du 100% Santé, réalisé à demande de la commission des Affaires sociales du Sénat.
Au-delà des éléments déjà relevés concernant l’utilisation des paniers de soins sans reste-à-charge en dentaire, audioprothèse et optique (lire KPS du 13 juillet 2022), la Cour a évalué les écarts entre le coût réel de la réforme et les prévisions faites par les pouvoirs publics lors de son adoption en 2018. Initialement, rappelle la Cour, la Direction de la Sécurité sociale tablait sur un surcoût prévisionnel de près de 170M€ sur la période courant de 2019 à 2023, supporté à parité entre l’assurance maladie obligatoire (AMO) et les assureurs complémentaires. L’augmentation attendue des remboursements des complémentaires en dentaire (+320M€) et en audioprothèse (275M€) devait, quant à elle, être largement compensée par les économies réalisées en optique (-515M€).
Trois ans après son entrée en vigueur progressive à compter de 2019, les dépenses de l’AMO se révèlent plus faibles qu’anticipé : en cumulé le surcroît de dépenses liées aux paniers se limiterait, à la fin 2021, à 127M€ pour l’AMO (au lieu des 150M€ prévus). La différence proviendrait des économies dues à l’échec de la réforme en optique et à un nombre d’actes plus faible qu’anticipé en dentaire du fait de la fermeture en 2020 des cabinets de chirurgiens-dentistes pendant la pandémie de Covid.
A contrario, les dépenses apparaissent supérieures aux prévisions pour les assureurs complémentaires, avec un dérapage évalué à près de 200M€ sur la période 2019-2021 par la Fédération nationale de la Mutualité française. Le surcoût est lié non seulement à l’échec de la réforme en optique, mais aussi au dynamisme des dépenses d’audioprothèses. «Ces dépenses supplémentaires devant être prises en compte par les organismes complémentaires dans l’équilibre de leur résultat technique, des hausses de cotisations sont probables, sauf à réduire les garanties sur les paniers maîtrisés et libres», prévient la Cour des comptes. «Selon la direction de la Sécurité sociale, les fédérations du secteur évaluent l’augmentation moyenne des cotisations à 2,6 % en 2021 et à 3,4 % en 2022», poursuit la Cour. Mais la hausse pourrait atteindre 7% sur les contrats d’entrée de gamme du fait de l’amélioration des garanties apportées par la réforme.
Pour contenir le dérapage des coûts, la Cour recommande déjà d’activer l’un des rares mécanismes de régulation prévus, à savoir la réduction des prix limites de vente en audioprothèse en cas de dépassement d’un seuil de volumes d’actes. Fixé à 935000 ventes sur l’année 2021, ce seuil «est largement dépassé avec près de 1,4 million d’équipements remboursés à la fin novembre», souligne la Cour. Mais le rapport préconise aussi d’instaurer «une clause permettant d’agir en cas de dérapage de la trajectoire des dépenses de prothèses dentaires» dans le cadre des futures négociations avec les syndicats de chirurgiens-dentistes.
Enfin, il suggère la mise en place «d’un partage de données entre assurance maladie obligatoire et assurances complémentaires afin d’avoir un meilleur suivi de la mise en œuvre de la réforme» et de mieux contrôler les établissements par rapport à l’obligation, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, de proposer le tiers payant intégral sur les paniers 100% Santé. Le taux de tiers payant intégral (base + complémentaire) atteint 76% en optique sur le panier 100% Santé, mais seulement 38% sur les patients non couverts par la complémentaire santé solidaire (CSS). Ce taux plafonne à 29% sur les paniers sans reste-à-charge en dentaire, voire chute à 12% pour les patients hors CSS).