Branche AT-MP: une négociation interprofessionnelle s’est ouverte

Publié le 13 décembre 2022


Sur la base de leur diagnostic partagé, les partenaires sociaux ont annoncé, le 8 décembre 2022, inscrire l’adaptation des missions de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) du régime général de Sécurité sociale à leur agenda de négociation interprofessionnelle.

Ce sujet fait partie des 8 sujets retenus, en mars 2021, par les partenaires sociaux dans le cadre de leur agenda économique et social autonome. En termes de calendrier, 4 réunions de négociations ont déjà été fixées: le 13 décembre, le 17 janvier, les 2 et 17 février 2023 en vue d’aboutir à accord national interprofessionnel (ANI) d’ici la fin février 2023

Sur le fond, cette négociation recouvrira plusieurs aspects :

  • Prévenir les risques professionnels et préserver la santé des salariés ;
  • Assurer une juste réparation des sinistres résultant d’un AT-MP ;
  • Améliorer la capacité de pilotage de la commission AT-MP.

Le diagnostic partagé a en effet fait ressortir plusieurs constats insatisfaisants. La première critique adressée à la branche concerne la part des investissements consacrée à la prévention jugée insuffisante au regard des enjeux et des évolutions des risques professionnels, mais aussi au vu des actions développées par les autres pays européens. «Les moyens mobilisés en France sur la prévention sont moindres par rapport au budget dédié à la réparation (100M€ par an en prévention contre environ 10Mds€ en termes de prestations versées, soit 0,7 %», observe le document qui pointe aussi «le manque d’accompagnement des PME», «la méconnaissance des recommandations formulées par les comités techniques nationaux (CTN) et régionaux CTR) et leur insuffisante mobilisation par les branches professionnelles» ou encore «la présence réduite, faute de moyens, des ingénieurs de la branche sur le terrain». «Si les incitations financières destinées aux TPE/PME constituent un levier reconnu, «ces actions restent d’un nombre très limité au regard du nombre d’entreprises concernées» et elles sont, d’une façon générale, «insuffisamment connues des partenaires sociaux».

De son côté, le système de réparation des AT-MP se distingue de ceux mis en place par les autres pays européens. Ainsi «la présomption d’origine professionnelle est une exception française que ce soit en AT ou en MP par rapport aux autres pays européens qui s’inscrivent dans une démarche d’instruction pour apporter la preuve de l’origine professionnelle», observent les partenaires sociaux. De même, «la France est la seule à indemniser les incapacités permanentes dès 1 %». En revanche, le système «n’intègre pas suffisamment de mesures de maintien en emploi et dans certaines situations, l’accessibilité financière à des appareillages adaptés». Sur ces sujets, «la question de la coordination entre les acteurs est également posée», constate le document. De son côté, «la procédure de fixation du taux d’incapacité permanente et, en particulier l’appréciation du préjudice professionnel, est peu visible pour les victimes» tandis que «l’application des barèmes AT-MP est hétérogène d’une caisse à l’autre et génère des inégalités de traitement des dossiers entre les victimes». «En fonction de la gravité de l’incapacité permanente, le régime de la réparation AT/MP peut conduire certaines victimes à se diriger ou à être dirigées vers l’invalidité amplifiant le phénomène de la sous-reconnaissance et de la non reconnaissance», souligne encore le diagnostic, ce qui est source de contentieux dans le cadre de la réparation de la faute inexcusable de l’employeur. Enfin, les partenaires sociaux dénoncent aussi les failles des procédures d’instruction des dossiers par les CPAM et les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de nature à induire des inégalités de traitement et des non-reconnaissances de maladies professionnelles.

Concernant la gouvernance du dispositif, patronat et syndicats dénoncent « une autonomie en demi-teinte voire de façade» ainsi qu’une «absence de vision partagée du rôle des partenaires sociaux et de la direction des risques professionnels». «Les orientations prises en matière de gestion et d’animation du réseau ne sont pas en adéquation avec les attentes des acteurs de la gouvernance et suscitent incompréhension et insatisfaction», regrettent-ils en dénonçant «leur absence de visibilité et de marges de manœuvre», comme en témoignent les décisions de transferts budgétaires des excédents de la branche AT-MP vers d’autres branches décidés sans aucune concertation dans le cadre du PLFSS. Dans un courrier adressé au ministre du Travail, les partenaires sociaux ont d’ailleurs demandé à décaler, à la fin du premier trimestre 2023, la signature de la prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG) 2023-2027 de la branche AT-MP afin de pouvoir prendre en compte l’issue de la négociation interprofessionnelle.