Prévention en santé au travail: les sévères constats de la Cour des comptes

Publié le 21 décembre 2022


La Cour des comptes a publié, le 20 décembre 2022, un rapport pointant les insuffisances des politiques publiques de prévention en santé au travail dans les entreprises.

En vertu du code du Travail, les entreprises portent la responsabilité de préserver la santé de leurs salariés, dans la mesure où elles peuvent agir sur les conditions de travail et les processus de production. Au vu des coûts sociaux et économiques induits par près d’un million d’accidents du travail et 50000 maladies professionnelles recensés chaque année, les pouvoirs publics ont le devoir d’accompagner, par la réglementation et une politique de prévention, les démarches des entreprises.

Or, «les conditions de travail ne s’améliorent pas, voire s’aggravent dans certains secteurs», tels que les métiers du soin, du nettoyage ou encore de l’intérim, déplore la Cour des comptes. «La réalité des efforts consentis pour répondre aux enjeux de l’usure professionnelle et de la pénibilité et de la sinistralité notamment parmi les salariés intérimaires et de la prévention de la désinsertion professionnelle n’a longtemps pas été à la hauteur des enjeux», fustige la Cour. D’autant que les données recueillies ne permettent pas de bien appréhender le risque. Exemple en matière d’inaptitude : en 2018, 120000 salariés ont été déclarés inaptes sans qu’il soit précisé s’il s’agissait d’une inaptitude à un poste de travail ou d’une inaptitude au travail, ni si celle-ci était d’origine professionnelle. D’une façon générale, les enjeux du vieillissement actif ne sont pas suffisamment pris en compte.

En outre, l’environnement de la santé au travail reste fragmenté entre de multiples intervenants, sans véritable pilote. «L’abondance des outils de prévention, souvent redondants, produits par tous ces acteurs, n’est pas suffisamment mise en regard de leur adéquation en amont aux besoins des publics et de leur évaluation en aval», estime la Cour qui appelle à «faire un effort d’évaluation de leurs impacts sur la sinistralité notamment».

Enfin, «la gouvernance des politiques publiques de santé au travail accorde une large place aux partenaires sociaux, mais ceux-ci sont inégalement investis, en particulier au niveau local», estime la Cour. Surtout, «si la mobilisation des branches professionnelles est cruciale pour progresser, car leur appui est indispensable pour convaincre les entreprises d’entrer dans les démarches proposées (…), certaines branches peinent à se doter de l’expertise nécessaire», souligne les rapporteurs.

S’agissant de la mobilisation des services de prévention et de santé au travail (SPST), la Cour estime que les décrets d’application de la loi du 2 août 2021 portant réforme de la santé au travail «ne suffiront pas à aligner ces services sur des priorités communes». Une approche globale des risques sanitaires auxquels sont soumis les assurés supposerait d’étendre le coût du risque supporté par la branche AT-MP à l’ensemble des conséquences financières d’une situation professionnelle dégradée, aujourd’hui à la charge de la branche maladie. Exemple concernant les risques psychosociaux (RPS) : si ceux-ci demeurent «une priorité de second rang pour les Carsat, les coûts induits pour la branche maladie sont vraisemblablement élevés». A cet égard, la Cour constate aussi que du côté des assureurs en prévoyance collective, «l’approche plus globale de la prévention en santé au travail est déjà une réalité dans leur offre». Quand bien même «les outils, les ambitions, et les objectifs commerciaux diffèrent de la prévention proposée par les entités publiques» et que «ces offres ne visent en pratique que des entreprises de grande taille».

Face à ces constats, la Cour avance plusieurs leviers d’amélioration :  

  • Renforcer la coordination des organismes chargés de la prévention et en particulier la Cnam et l’inspection du travail, pour mieux cibler les entreprises à contacter ;
  • Rendre la tarification AT-MP plus incitative à la prévention en majorant les taux de cotisation des entreprises présentant une sinistralité anormalement élevée dans son secteur d’activité ;
  • Mettre en œuvre un programme de contrôle du respect par les employeurs de leurs obligations relatives au compte professionnel de prévention ;
  • Poursuivre les travaux d’évaluation permettant d’apprécier de manière robuste l’efficacité des programmes de prévention.
  • Rendre plus efficace l’accompagnement à la reprise du travail par une intervention très précoce auprès des salariés, en lien avec leur médecin traitant, en associant durant l’arrêt de travail l’employeur et les services de santé au travail