PLFSS 2024: la réforme du calcul de la rente des victimes AT-MP contestée

Publié le 09 octobre 2023


Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, adopté le 27 septembre 2023 par le Conseil des ministres, prévoit de modifier l’indemnisation des victimes d’un accident du travail-maladie professionnelle (AT-MP) (Art.39).

Cet article vise à transcrire les dispositions de l’ANI du 15 mai 2023 sur la santé au travail (lire KPS du 29 juin 2023) issues d’un arrêt de la Cour de Cassation du 20 janvier 2023 relatif à l’indemnisation du préjudice fonctionnel permanent des victimes d’un AT-MP.

Jusqu’à cette jurisprudence de la Cour de cassation et la signature de cet ANI, la réparation des AT-MP était exclusivement fondée sur une logique forfaitaire justifiée par un principe de présomption de l’origine professionnelle de l’AT-MP dispensant la victime d’engager une action en responsabilité. Conséquence, les dispositions relatives à la réparation des AT-MP prévoyaient une indemnisation sur une base plus favorable que celle prévue pour la maladie ordinaire. En outre, en cas d’incapacité permanente, la victime bénéficiait soit d’une indemnité en capital (incapacité permanente inférieure à 10%), soit d’une rente viagère (incapacité permanente supérieure ou égale à 10%).

L’article 39 fait évoluer ce principe en reprenant le principe, posé par la Cour de Cassation, d’une rente duale reposant sur non seulement la couverture du préjudice économique correspondant à la perte des gains professionnelle induite par le préjudice subi mais aussi la couverture partielle du préjudice fonctionnel permanent (DFP).

Selon cette disposition, la rente duale serait versée aux victimes dont le taux d’incapacité stabilisé sera égal ou supérieur à 10% à compter du 1er janvier 2025. Mais pour limiter le surcoût induit par l’instauration de cette rente duale, le gouvernement souhaite :

  • modifier le calcul du préjudice économique (qui jusque-là intégrait, selon Bercy, une part forfaitaire de préjudice fonctionnel permanent) en «diminuant l’assiette des salaires pris en compte». Mais au risque de «diminuer le montant de la rente perçue au titre du préjudice économique par rapport à aujourd’hui», dénoncent les associations de victimes d’AT-MP dans un argumentaire publié le 8 octobre.
  • couvrir le préjudice fonctionnel permanent via un barème ad hoc inspiré par celui utilisé par les magistrats en matière de réparation de dommage corporel (dit barème Mornet) sur une base forfaitisée calculée à partir de surcroît d’une «fraction du point» de ce barème Mornet
  • majorer la rente versée en cas de faute inexcusable de l’employeur, lequel devrait assumer 50% du coût du préjudice fonctionnel permanent.

Du point de vue des associations de victimes, la rédaction actuelle de ce texte vise à réduire le droit à la réparation des accidentés du travail plutôt qu’à l’améliorer, comme le soutient le gouvernement. Et ce, d’autant plus que «comparé à une victime de droit commun, la victime d’un AT-MP se verrait en outre interdire de demander le différentiel de rente devant une juridiction dans le cadre de la faute inexcusable de l’employeur», dénoncent-elles.

Les nouvelles modalités de calcul tant du préjudice économique que du préjudice fonctionnel permanent seront précisées par voie réglementaire.