Initiée au printemps par le groupe RDPI (socialiste) du Sénat (lire KPS du 7 mars 2024), la mission d’information sur «l’impact de l’augmentation des complémentaires santé sur le pouvoir d’achat», pilotée par le sénateur (Renaissance) Xavier Iacovelli, a rendu public son rapport le 26 septembre 2024.
Les préconisations de cette mission recouvrent plusieurs axes :
- Pour «mieux protéger les assurés», le rapporteur préconise de «créer une complémentaire santé solidaire (C2S) seniors» destinée aux retraités dont les ressources se situeraient entre le minimum vieillesse et un plafond spécifique, assorti d’une participation financière de l’ordre de 2€ par jour, soit 60€ par mois. Les futurs retraités éligibles pourraient alors recevoir une information systématique sur l’existence de cette C2S en amont de la liquidation de leurs droits. La création de cette C2S seniors se justifie notamment, aux yeux de Xavier Iacovelli, interviewé, le 26 septembre 2024 dans l’Argus de l’assurance, par «le triple effet ciseau» subi par les nouveaux retraités entre la fin de la prise en charge de leur employeur, la baisse de leur pouvoir d’achat et la hausse de leur cotisation du fait de l’augmentation du risque : «Le taux d’effort d’un assuré de 80 ans est de 9% contre 2,7% entre 30 et 39 ans», rappelle le sénateur qui prévoit de déposer des amendements au PLFSS en ce sens.
S’agissant du dispositif de sortie des contrats collectifs pour les salariés partant en retraite (article 4 de la loi Evin), la mission propose aux partenaires sociaux d’ouvrir une négociation afin de mettre en place un dispositif de plafonnement des cotisations après un certain âge sur un modèle comparable à celui mis en place dans la fonction publique (dont le plafond est fixé à 175% de la cotisation des actifs à partir de 75 ans). - Pour diminuer le coût de la complémentaire santé, la mission propose de revoir le périmètre du contrat solidaire et responsable, par exemple en augmentant de tous les 2 ans à tous les 3 ans le délai de renouvellement des équipements en optique, ce qui permettrait de dégager une économie de de l’ordre de 600M€ pour les complémentaires. D’une façon générale, le rapporteur suggère «d’interroger les objectifs du contrat responsable afin de mieux l’adapter aux besoins de chaque assuré». La mission préconise ainsi de «définir un socle de base, avec un taux minoré de TSA auquel s’ajoutent des options libres de choix pour les assurés, avec un taux de TSA normal», souligne le sénateur dans l’Argus qui estime notamment que les garanties non conventionnelles, telles que les médecines douces (ostéopathie, acupuncture) «n’ont pas leur place dans le contrat responsable». De leur côté, les 3 fédérations d’OCAM (CTIP, FNMF et France Assureurs) ont réagi, le 26 septembre 2024 dans un communiqué, en appelant à «refonder le contrat responsable afin de concilier la couverture des besoins essentiels avec l’accessibilité financière des besoins». «Cette réforme ne pourra se concrétiser, poursuivent-elles, qu’au travers d’un esprit de responsabilité partagée entre l’assurance maladie obligatoire, les complémentaires, les professionnels de santé et les usagers».
- S’agissant de l’augmentation des tarifs des OCAM, la mission estime que le niveau moyen proposé à l’automne dernier (8,1%) n’était pas justifié et que celui-ci aurait plutôt dû être compris entre 4,5% et 6%. Selon lui, les transferts de l’assurance maladie et l’augmentation structurelle des dépenses de santé ont en effet été en partie compensés par l’économie réalisée par les OCAM du fait de la hausse spontanée du nombre des patients en ALD dont le ticket modérateur est pris en charge par l’assurance maladie : les OCAM auraient ainsi économisé 3,257Mds€ entre 2012 et 2022 (dont 255M€ sur la seule période 2020-2022) grâce au dispositif ALD.
- Pour réduire les frais de gestion des complémentaires, le rapporteur souhaite charger l’ACPR d’instaurer une classification des organismes complémentaires en fonction du niveau de leurs frais de gestion, de mieux encadrer leurs relations avec les courtiers (en termes de précompte, de taux de commission et d’escompte et de prévoir une publication spécifique des frais de courtage par les complémentaires.
En termes de gestion, il suggère aussi d’accroitre le déploiement du tiers payant et de permettre aux professionnels de santé d’accéder en temps réel aux garanties des patients en particulier en cas de résiliation infra-annuelle.
- Pour améliorer la lisibilité des garanties, le rapport suggère de contraindre les complémentaires à présenter les garanties en euros (et non plus sous forme d’un pourcentage de la base de remboursement) et de prévoir un standard de présentation des garanties (AMC incluse et exclue).
- Pour permettre aux complémentaires de mieux piloter leurs dépenses, le rapporteur propose d’institutionnaliser le comité de dialogue avec les complémentaires (CDOC) et d’en faire une instance de dialogue trimestrielle avec les pouvoirs publics, l’assurance maladie et les OCAM. Et surtout de prévoir un délai de 6 mois entre la publication des textes et la mise en œuvre de mesures modifiant le périmètre respectif des remboursements entre assurance maladie et complémentaires.