Invalidité: les pistes de réforme de la Cour des comptes

Publié le 26 mai 2025


La Cour des comptes a émis plusieurs recommandations visant notamment à encourager le maintien dans l’emploi des personnes en invalidité à l’occasion de la publication, le 26 mai 2025, de son rapport sur l’application de la loi de financement de la Sécurité sociale (RALFSS) pour 2024. 
Le régime général a versé une pension d’invalidité à un peu plus de 700000 assurés en décembre 2023, dont 57 % de femmes, et à plus de 830000 assurés au moins une fois pendant l’année. 27% des personnes concernées relevaient, en 2023, de la première catégorie (et donc en état d’exercer une activité professionnelle), 71% en catégorie 2 (présumées incapables de travailler) et 2% en catégorie 3 (incapables de travailler et nécessitant l’aide d’une tierce personne).
Le coût total de ces prestations pour l’assurance maladie s’élève à 7,5Mds€ (hors allocation supplémentaire d’invalidité), en hausse de 15,5% à périmètre constant entre 2018 et 2023, soit à peine plus que l’inflation (+13,9%). Les pathologies les plus fréquemment déclarées comme motif principal d’invalidité sur près de 67000 avis médicaux favorables à une admission en invalidité concernent les troubles dépressifs (12400), les cancers du sein (3200) et les accidents vasculaires cérébraux et les lombalgies (1500 chacun). Les personnes âgées de 50 à 62 ans concentrent les trois quarts des bénéficiaires d’une pension d’invalidité.
En termes d’évolution, la forte augmentation observée entre 2010 et 2019 en lien avec le recul de l’âge légal de retraite de 60 à 62 ans a été stoppée net par la pandémie de Covid. Si le retard pris dans l’instruction des dossiers a été rattrapé en 2021 et 2022, les effectifs d’invalides ont de nouveau diminué en 2023 sous l’effet d’une inversion de la courbe démographique des 50-62 ans désormais orientée à la baisse (de 0,6% par an en moyenne au cours de la prochaine décennie). 



Du point de vue administratif et médical, la gestion de l’invalidité par les CPAM souffre d’une « organisation complexe», d’une répartition territoriale hétérogène des médecins conseils de surcroît en sous-effectif qui débouche sur un manque d’équité de traitement des assurés. Conséquence, en 2023, le taux de dossiers acceptés en invalidité variait de 31% à 85% selon les départements. Surtout, la délimitation des catégories d’invalidité ne correspond plus à la réalité des situations : si 69% des invalides de catégorie 1 travaillaient en novembre 2024, c’était aussi le cas de 21% de ceux de catégorie 2 et de 6,4% de ceux classés en catégorie 3. Pour la Cour des comptes, ce décalage s’explique par l’absence de référentiel associant pathologies et incapacité permanente de travail permettant aux médecins conseil d’apprécier la capacité de travail des demandeurs mais aussi les possibilités de reclassement en entreprise et de formation. De plus, seuls 20724 dossiers de pensionnés (soit 2,9% du total) ont donné lieu à une réévaluation de la capacité de travail dans l’année, souligne la Cour des comptes qui préconise d’accorder les pensions de catégorie 1 pour une durée limitée, mais renouvelable, dépendant de l’âge et de l’état de santé du bénéficiaire
S’agissant des nouvelles règles de cumul d’une pension d’invalidité avec un revenu d’activité mises en œuvre en 2022 (lire KPS du 2 mars 2022), la réforme a, selon la CNAM, bénéficié à 65394 assurés qui ont profité d’une majoration de leur pension contre 9950 qui ont vu leur pension amputée et 1474 qui en ont perdu le bénéfice du fait d’une rémunération supérieure au plafond. La rectification du plafond à l’été 2023 a toutefois permis de restaurer ou de réaugmenter la pension de 6700 bénéficiaires (lire KPS du 31 juillet 2023). 
Pour prévenir la désinsertion des personnes en arrêt de  travail de longue durée, la Cour préconise de rendre obligatoire la convocation des salariés absents depuis plus de 30 jours à une visite de préreprise. Elle suggère aussi d’anticiper la mise en invalidité dès la stabilisation de l’état de santé de l’assuré, autrement dit de ne pas attendre le terme des 36 mois de versement des indemnités journalières. En 2023, 20,7% des assurés étaient dans cette situation contre 17,9% en 2019.