Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) a mis en ligne, le 14 janvier, son rapport présentant plusieurs schémas possibles d’articulation entre l’assurance maladie obligatoire (AMO) et les organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam) ainsi que des propositions de développement de la prévoyance.
Après plusieurs mois de polémiques concernant une «instrumentalisation» de ses travaux en faveur d’une «étatisation à marche forcée de l’assurance maladie complémentaire», ce rapport n’engage aucun membre du HCAAM et se contente de présenter «quatre scénarios polaires d’évolution» d’articulation entre Sécurité sociale et assureurs complémentaires en vue de répondre aux faiblesses inhérentes au système actuel : iniquités de couverture entre les ménages, difficultés d’accès à la complémentaire santé pour les publics précaires et les retraités modestes ; double niveau de remboursement source de frais de gestion élevés et de complexité pour les professionnels de santé.
Le HCAAM a donc travaillé sur 4 scénarios censés illustrer les évolutions possibles du système et qui visent à :
- Corriger les défauts du système à architecture constante ;
- Transformer l’assurance maladie complémentaire en un second étage obligatoire à vocation universelle ;
- Etendre le champ de l’AMO (scénario dit de Grande Sécu) ;
- Clarifier les champs d’intervention respectifs de l’AMO et des complémentaires en supprimant presque tous les copaiements.
Plusieurs caractéristiques communes se dégagent de ces scénarios. D’abord, ils visent tous à plafonner les plus gros restes-à-charge qui concernent dans leur immense majorité les retraités âgés de plus de 75 ans et les patients victimes d’une affection de longue durée. Ensuite, ces scénarios visent à renforcer la solidarité au profit des plus âgés mais aussi des plus modestes. Ces scénarios se traduisent également par un encadrement réglementaire accru des complémentaires et par leur marginalisation en tant qu’acteurs du système de soins. Enfin, ces scénarios exposent les salariés à un risque de démutualisation et à une moindre implication du dialogue social dans la définition de leur complémentaire santé.
Concernant la complémentaire santé collective, le HCAAM formule donc plusieurs pistes visant à améliorer la couverture des travailleurs les plus précaires (à temps partiel ou en CDD de plus d’un mois). Il suggère aussi d’aménager le dispositif de l’Article 4 de la loi Evin permettant aux salariés qui partent en retraite de bénéficier non pas du maintien de leur complémentaire santé d’actif d’une couverture individuelle à tarif préférentielle qui serait obligatoirement proposée par leur ancien assureur. Le HCAAM formule aussi des propositions pour conforter la prévoyance collective notamment en instaurant une obligation de négocier au niveau de la branche et, en cas d’échec, d’instituer un financement obligatoire à la charge de l’employeur.
L’encadrement de l’activité des assureurs complémentaires passerait soit :
- par un panier de soins défini de façon réglementaire, une tarification encadrée et des garanties hors panier réglementaire non éligibles aux exonérations de charges et de toute façon plafonnées pour éviter des dépassements d’honoraires inflationnistes.
- Par le maintien de paniers distincts et celui des complémentaires serait strictement limité aux soins optiques, dentaires, audio, aux dépassements d’honoraires plafonnés et aux médicaments à service médical faible ou modéré. Dans ce scénario, les réseaux de soins serait renforcée.
Enfin, le HCAAM reprend ses pistes concernant le scénario dit de Grande Sécu et a enrichi son rapport d’une annexe consacré à la mise en œuvre d’un bouclier sanitaire visant à plafonner sur l’année les plus gros restes-à-charge (RAC). Son introduction se solderait par une hausse mécanique des dépenses remboursées par l’AMO. Par exemple, un plafond de RAC des dépenses de ville et d’hôpital fixé à 1400€ par an se traduit par un surcoût pour l’AMO évalué à 2Mds€ par an alors que celui d’un bouclier portant uniquement sur l’hôpital et fixé à 1100€ est limité à 1Md€. Le premier bouclier permettait de réduire de 225€ la prime d’une personne âgée de plus de 80 ans contre seulement 110€ dans le cas du second bouclier. Autre effet, seuls 6,1% des patients en ALD bénéficieraient du premier bouclier (3,4% dans le cas du second) contre 2,3% (et 0,9%) pour les patients non ALD.
Le Centre technique des institutions de prévoyance (Ctip) a regretté, le 19 janvier, «la non-prise en compte des contributions et/ou positions des membres» et «les dysfonctionnements qui ont entaché les travaux» du HCAAM sur ce rapport. Il réaffirme surtout «son opposition à l’ensemble des scénarios qui participent à affaiblir la gouvernance, et par là même, le rôle des partenaires sociaux dans la définition des couvertures de protection sociale complémentaire des salariés. Ces scénarios reviennent également à nier l’utilité et l’efficacité de la couverture complémentaire santé collective dans le secteur privé, qui permet pourtant une amélioration de l’accès aux soins des salariés et de leurs familles.» Les partenaires sociaux membres du conseil d’administration du Ctip réaffirment enfin «leur attachement au modèle de protection sociale français dont l’efficience repose sur une bonne articulation entre assurance maladie obligatoire et complémentaire».